lundi 7 décembre 2020

La rue commerçante de Chios au temps du Covid.

Chios n'est pas une petite ile. Elle est assez peuplée pour avoir toutes les infrastructures d une communauté, hôpital, piscine, stade, toiletteur canins etc Et comme toute communautés organisées, elle a une rue commerçante principale.

 Le nom grec de la rue est aploteria (Απλωταριά) depuis au moins le 17eme siècle, et provient du verbe aplono qui signifie je étend. En effet, à l'époque, les commerçants étendaient leurs marchandises sur leur étale ou sur un tapis, sur cette rue qui mène à la place principale de Chios.

 Aujourd'hui, la rue est constituée d'une succession de magasins de vêtement, de libraires et de nombreuses cafeterias. Comme dans la plupart des villes grecques, il n'y a pas eu de règles d'urbanisme pour promouvoir une homogénéité dans le bâti, et on peut trouver cote à cote d'anciennes maisons bourgeoises du 19eme, des maisons bâties dans les années 30 et des immeubles en bétons typiques des années 60-70 en Grèce. Comme dans la plupart des villes d’Europe, la rue a été rendue piétonne il y a quelques années et après avoir juré que ça tuerait les commerces, la piétonnisation à rendu la rue plus attractive que ses voisines encore carrossables.

 Mais si je vous parle de cette rue, ce n'est pas pour expliquer son histoire somme toute assez banale pour une ville de province grecque, ni pour vous expliquez qu’un habitant de l'ile ne peut mathématiquement pas marcher le long de cette rue sans rencontrer au moins 5 personnes qu'elle connaisse. Non, je veux raconter comment cette rue à vécu le deuxième confinement en grec.

 Vendredi 6 novembre, dernier jour avant la fermeture des magasins, comme partout, les gens se sont rués dans les magasins qui étaient noirs de monde. J'ai moi même acheté un jogging pour passer les nuits d'hivers et une carte de Chios pour planifier mes randonnées. Je conseil d'ailleurs fortement aux gens qui visitent une ile grecque d'acheter une carte plutôt que de se fier à Google maps, parce que la faible utilisation de ces routes rend les informations assez aléatoires et on a vite fait de se retrouver sur un chemin de terre avec une pente de 45% sur l'itinéraire « le plus rapide » dès qu'on sort des villes.

 Le week-end qui s'en suivit, toutes l'île s'arrêta de bouger. Il n'est pas très compliqué pour la police de contrôler la circulation, il n'y a que quelques rues qui permettent de sortir de la ville et il est pratiquement impossible de passer du nord au sud de l'ile sans passer par la place principale de l'ile. Mais à partir de lundi, on commença à se rendre compte que le confinement n'était pas vraiment du même genre que le premier confinement. Les rues n'étaient pas vides, et le système de SMS pour annoncer la sortie de la maison n'était pas vraiment un obstacle sérieux.

Sur la rue commerçante même, les magasins de téléphonie mobile ainsi que les magasins alimentaires, les photocopies et les cafés à emporter ne sont pas fermés. Mais au fur et à mesure que les jours passent, même ces commerces n'arrivent pas à expliquer le volume de personnes qui se trouve dans cette rue. Et comme rien ne reste secret bien longtemps à Chios, on ne tarde pas à comprendre ce qui se trame ... les magasins fonctionnent sur rendez-vous.

 Ce n'est pas un vrai accord entre la police et les magasins, mais au vu des nécessités du commerce dans une île frappée par la crise des migrants, un modus vivendi s'est installé : les magasins peuvent continuer à fonctionner, mais en gardant les lumières éteintes et les devantures fermées. Ils n'ouvrent que lorsque la personne arrive et téléphone au commerçant. Heureusement, le numéro de téléphone est écrit sur la porte pour ne pas avoir non plus à trop chercher.

 Au fur et à mesure des semaines, le nombre de personnes qui utilisent ce système augmente. Dans un magasin vendant des décorations de noël, c'est même open-shop, mais par la porte arrière. De même, les services à domicile du genre coiffeurs, ongles etc se sont mis en place. Plus les jours passent, plus il y a de monde sur cette rue principale. Il y a même un magasin de coques de GSM dont je me demande vraiment bien quelle est son excuse pour avoir totalement ouvert.

Bref, encore un exemple parfait des avantages et désavantages du manque de rigueur dans l'applications des normes en Grèce.

 

Coté avantage :

 - La fermeture des commerces ne faisaient pas vraiment sens nulle part, mais encore bien plus à Chios où il n'y a jamais eu beaucoup de cas de Covid. L'ouverture permet de sauver un peu certains magasins.

 - A Chios, il n'y a pas autant d'E-commerce qu’en Belgique ou à Athènes, et les entreprises de transport sont totalement submergées. Sans ce système, les achats non-essentiels mais quand même essentiels du genre vêtements pour l'hivers ne seraient pas possible pour les habitants.

 

Côté désavantage :

 - Les taxes ne sont évidemment pas payées par tout le monde, vu qu'il est interdit de vendre, tout se fait en noir pour la plupart des magasins.

- Tous les magasins n'ont pas la même envie d'ouvrir illégalement, ce qui fait que tout le monde n'ouvre pas de là même manière. Au début du confinement, la présidente du syndicat des commerçants avait enjoint ses membres à faire preuve de solidarité, appel qui semble bien être resté lettre morte.

 

 Encore une fois, le respect des normes est diminué sachant que les règles sont bafouées au grand jour. Tout le monde fait semblant d'être confiné, mais il y a autant de voiture que normalement, et le couvre feu à 21h est plus indicatif qu'autre chose. Édicter des lois inadaptées à la région est contre-productif, parce que violer la loi est vu comme la chose logique à faire, et son application seraient mal vue. Depuis un mois donc, l'île fait semblant d'être confiné, ce qui n'a pas empêché les jeunes de se voir, des foyers de Covid de se déclarer et de disparaître et plus généralement la vie de continuer tant bien que mal.

 

Personnellement, s’il y a bien une chose que je regretterais, ce sera de ne pas pouvoir avoir été à la pèche. 

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