lundi 4 décembre 2017

Retrouvailles au Ministère

Lundi, premier jour au ministère. Mon chef après le moment d’incompréhension du fait qu'il ne n’attendait pas à me voir débarquer a pris sur lui de me présenter à mes futurs collègues. Commence donc le premier tour du service; il faut voir le nouveau venu, habillé en costume cravate, chemise boutonnée et les chaussures cirées, passer par chaque bureau où le dress code est au mieux jean-chemise comme une nouvelle bête curieuse introduite dans une troupe de cirque. Le chef donne le nom de tout les travailleurs, précaution fort peu utile dans la mesure où il ne m'est pas matériellement possible de tous les retenir. Jusqu'à ce qu'il me dise qu'on arrive au banc de Robert Binamé.

Robert Binamé ? Mais c'était mon coloc jusqu'au ce mois de janvier ! Je n'ai plus vu depuis, il est pas sensé être clerc de notaire à Andennes ? Que nenni, le voilà en chaire et en os qui viens me faire chaleureusement la bise. Moment de flottement dans le protocole; la séquence 1.nom de la personne, 2.fonction de la personne, 3. serrage de main, 4.next, est interrompue.

- Et ça a été l'état des lieux
- Tu as aussi vu le décompte, on a bien douillé, et tu sais que Abdeslam ne m'a pas payé le wifi ?
- ...

Alors que le chef s'apprête à abréger ces touchantes mais quelque peu longues retrouvailles, retenti l'alarme de la Tour. Ne t'inquiète pas dit le chef, c'est le test de l'alarme, ça arrive tout les premiers jeudis du mois ... Mais attendez un peu, on est lundi aujourd'hui. Petit frémissement dans le service, quelques moments d'hésitations, puis la décision est prise: il faut évacuer.

Evacuer un immeuble en cas d'alarme incendie, on l'a assez fait à l'école, c'est simple. Les ascenseurs sont proscrits et il suffit de descendre à pied. Jusque là pas de problème. Sauf lorsque à la place d'un bâtiment de trois étages avec 500 élèves, on a à faire à une tour de 30 étages peuplée de 5 000 fonctionnaires, contractuels ou contribuables en rendez-vous. Il faut donc pour nous descendre une vingtaine d'étages, sachant que à chaque palier se rajoute la totalité des membres du personnel de l'étage, et que également la moyenne d'age des travailleurs est de "plus que dix ans avant ma pension". Autant dire que au niveau du 5eme étage, on est plus entassé que la foule devant un concert de Linkin Park à Werchter, prêt à être cramé vifs en cas d'incendie, ou plus prosaïquement à mourir étouffé si une personne glisse au 10eme étage et lance un domino-day dans la cage d'escalier.

Un fonctionnaire essaye se sauver sa vie
après que le fils du ministre ait actionné l'alarme incendie par erreur.

Bloqué donc entre le sixième et le cinquième étage, Robert me dit "ah, tu te souvient quand même les poulets dans la cuisine ? Et le poulpe ?

Je vais vous conter certains passages de cette colocation, mais pour vous mettre dans le contexte où je le racontait à Robert, veuillez suivre ces quelques instructions. Prenez votre tablette ou votre ordinateur. Débranchez les câbles si il faut, en faisant attention de ne rien faire tomber, et allez le lire sur les escaliers de votre palier. C'est nécessaire une meilleur immersion, je ne commence pas tant que vous ne l'aurez pas fait.

-

-

-

-

- Toujours pas ? Allez on a pas que ça à faire

-

-

-

-

- Oui il fait froid sur le palier, mais les marches en granite nous ont aussi absorbé la chaleur au SPF.

-

-

-

-

-

-C'est bon, vous êtes inconfortablement installés, on peut y aller.




Pourquoi j'ai fini dans un kot Erasmus-UCL


Partant en Erasmus au deuxième quadrimestre, je cherchais un endroit ou dormir de septembre à janvier. Par chance, un ami de la chorale avait quelqu'un qui partait en Erasmus au Q1 dans son kot, tout semblait s'agencer pour le mieux, on se partagerait le kot à raison d'une demi année chacun. Sauf qu'il y avait un détail à régler. Il n'était pas dans une collocation classique mais dans un foyer religieux! Ce foyer a pris ses quartiers dans l'ancien séminaire de l'UCL, reconverti depuis que le nombre d’étudiants en théologie a chuté sous celui des comas éthyliques d'une soirée à la Casa.

Le foyer est donc géré par une organisation religieuse, et en pratique par un couple de laïcs qui supervisent la vie commune. Pour avoir la chambre, je devais donc passer mon brevet de street-crédibilité catholique. Sachant que je suis baptisé orthodoxe, que je n'ai pas fait de communions et que je serais bien en peine de réciter un notre père, ce n'était pas gagné d'avance. 

Il a fallut se préparer à la rencontre pour le kot bien mieux que pour aucun entretien d'embauche que j'ai jamais fait. J'ai pris un air de pleine béatitude qui m'aurait fait passé pour la réincarnation de mère Theresa, j'ai été à la messe des étudiant la veille, j'ai même hésité à prendre une grosse croix en or à l'italienne. Grâce à toutes ces précautions, j'ai pu les convaincre que en tant que locataire, je serais tout les matins à 8h à la messe du foyer et que j'y ferais exploser les compteurs de prières. Après une discussion sur le sens de la vie, j'ai eu infini privilège d'avoir un toit dans le séminaire pour le premier quadri. Ce qui me permet de rejeter superbement la proposition de l'UCL logement de prolonger mon bail.

Tout va bien, on a prévu de venir signer le bail le 15 juillet. Le 11, je reçois un appel d'un numéro inconnu. Je le rappelle, et voici la personne avec qui je devais partager le kot qui me dit qu'il a bien foiré ses examens, et que du coup il reste à LLN toute l'année. Tout ceux qui ont eu à chercher un logement à l'UCL comprendront a quel point le 15 juillet est une date tardive pour commencer à chercher, surtout pour un contrat bizarre de 6 mois. Il ne me reste qu'une seul solution ... retourner chez UCL-logement comme on va à Canossa. 

- Bonjour, est ce que vous auriez encore des logements pour le Q1 uniquement ?
- C'est un peu tard Monsieur, les inscriptions étaient ouvertes depuis le 1er Mars
- Oui, mais j'ai eu des circonstances imprévisibles, s'il vous plaît, je ne veux pas dépendre des grèves de la SNCB/des TEC pour venir.
- Mmm, je crois bien que nous avons encore des places dans un bâtiment qu'on doit rénover en 2017. Vous voulez visiter ?
- Est ce que j'ai choix ?
- A vrai dire, non, c'est le seul bâtiment qui nous reste.
- Je me soumet à votre volonté, ô service logement.

Mitsos retournant au service UCL-logement

La vie communautaire

Arrive donc le mois de septembre, où je découvre mes nouveaux colocataires.

- Mon très cher Robert Binamé.

- Enzo, l'italien qui à passé tout son séjour Erasmus avec des Italiens, ce qui nous fait nous questionner sur l'utilité pour lui de venir en Belgique.

- Nicolas, de son vrai nom Zhou mais qui comme pas mal d'étudiant chinois se voit attribué un nouveau prénom pour le temps de ses études à l'étranger. Je me demande d'ailleurs comment ça se passe en pratique. Il y a une grande roue avec tout les noms et les futurs étudiant doivent l'actionner ou bien ils ont des consultants qui leurs trouvent les noms qui maximiserons leur réussite ?




- Le Viet-cong comme l'appelait Robert, un Vietnamiens qui étudiait en Finlande et dont je crois qu'on a jamais réussi à retenir le nom, qui pour une fois n'était pas Nguyen.

- Pour finir, encore une fois selon appellation de Robert, Abdeslam, le Marocco-gentois qui réussit l'exploit de parler avec un accent marocain ET un accent flamand en même temps. En l'écoutant les yeux fermés se superpose dans ton esprit l'image d'un jeune Wesh de Bruxelles et celle d'un vieux Flamand.




Mais si dans cette cage d'escalier on se rappel du kot, c'est grâce aux prouesses culinaires de nos deux asiatiques. Parce que alors que l'Italien se fait des pâtes tout les jours, et que Abdeslam rapporte de la nourriture depuis chez ses parents, nos deux asiatiques cuisinent.

Et malheureusement, ils n'ont pas exactement la même définition de propreté que nous. Ce qui fait que la taque est constamment sale, et qu'ils ont un cuiseur de riz qu'ils utilisaient à deux qui nous semblait ne pas avoir été nettoyé depuis qu'il avait été acheté. Comme colocataire bienveillant, j'avais ramené mon coloc chinois au supermarché chinois de Sainte-Catherine, FATAL ERROR. Depuis ce jour on a eu droit à des odeurs de sauces de poisson et des taches de mix de sauce caramel-poisson-soja durcie, taches que la femme de ménage n'enlevait jamais parce que ils laissaient toujours des casseroles sur les taques.

Mais tout ceci n'est rien par rapport à la passion du viet-cong: acheter des surgelé au aldi et les laisser décongeler dans l'eau. Ce qui fait que le soir, tu veux te faire des pâtes, tu va prendre ta casserole, et surprise: il y a un poulet entier qui décongèle lentement dedans, formant un bon bouillon de salmonellose. Rien de mieux pour ouvrir l'appétit. Mais il y avais aussi des cotes de porc ou des blanc de poulet, sans parler d’ingrédients asiatique sur l'identité desquels je ne spéculerais pas.

Mais le summum a surement été atteint avec le poulpe. Je ne sais pas où il a trouvé ce poulpe surgelé, mais il l'a laissé bien trois jours à décongeler, puis une fois cuisiné l'a encore bien laissé une semaine dans sa casserole. Rentrer de soirée, sentir une odeur bizarre dans le commu, aller vérifier la source et tomber sur un demi-poulpe dans une sauce douteuse, je crois que c'est un des souvenir indélébiles qu'a produit la vie communautaire sur Robert et moi.


De nos jours donc, dans les cages d'escalier ou à la cantine du SPF lorsque la nourriture est moyenne, il n'est pas rare d'entendre Robert me dire: "Bah, tu te souvient quand même du poulpe du Viet-cong ? Si on a survécu à ça on peux survivre à tout". Nous, les vétérans du Kot Erasmus Q1 2016-2017.

Rambo en choc post-traumatique après avoir été exposé
à trop haute dose à la "vrai" cuisine asiatique.

-

-

-

-

-
-

- Vous êtes encore là ? Je crois que vous pouvez vous lever des escaliers et retourner sur le canapé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire